Guetteuse-d’Etoiles est assise en tailleur sur une grande pierre plate, encore tiède de la chaleur de l’après-midi. Comme chaque soir depuis presque une lune, elle a gravi, depuis la rivière qui alimente le lac jusqu’au sommet du promontoire, la pente raide dans le repli de terrain qui sinue, là où l’eau se précipite et cascade les jours d’orage.
Elle est là, silencieuse. Ses longs cheveux très noirs et ondulés tombent sur son visage, sur ses petites mamelles fermes à la peau douce et sombre et aux aréoles noires, jusque sur ses cuisses lisses et fuselées.
De son point d’observation, sur la corniche qui surplombe la petite vallée, les lacs et la rivière, elle goûte la douceur du soir, la caresse de l’air maintenant plus frais. Devant elle, dans la trouée entre les montagnes, au ras de l’horizon, le soleil déjà cramoisi s’enlise dans les trainées mauves et écarlates du couchant.
Elle parvient à entendre, en tendant bien l'oreille, dans le grand silence du soir, tout là-bas, en contrebas, très ténus, les cris de ceux de sa race, le Peuple-des-Pierres, qui s’interpellent au bord du lac. Ils s’attardent dans la tiédeur du soir, avant de rentrer, alors que gagne la pénombre, aux abris nichés dans la paroi, à mi-hauteur de la Montagne-qui-Gronde.
Derrière elle, déjà, la nuit s’épaissit, et l’ombre immense des montagnes baigne la vallée. Au fond de la large trouée encadrée par les hauteurs, le soleil, comme écrasé, étiré, agonise dans une nappe de lueurs sanglantes. Les premières étoiles s’allument, à commencer par La-Blanche-qui-Suit-le-Soleil, qui, au gré des lunaisons, s’abîme sur l’horizon après lui ou se lève au matin avant lui.
La beauté de la voûte étoilée, comme chaque fois, remplit Guetteuse-d’Etoiles d’une profonde émotion, qui embue ses yeux en amandes, aux longs cils noirs. C’est comme si elle entrait en elle-même, au point de percevoir d’une manière aiguë, presque avec surprise, les mouvements tranquilles de sa poitrine qui se soulève à chaque inspiration, et, au creux de son aine, le battement d’une grosse artère.
En marmonnant, elle énumère en les pointant du doigt les Animaux-du-Ciel, les agencements d’étoiles qu’elle a inventés, qui dans son imagination dessinent les silhouettes d’animaux de son monde, qu’elle a nommés. Elle les a appris à Oeil-Bleu qui l’accompagne parfois dans ses nuits de veille sur le promontoire : L’Ecrevisse, Le Serpent, La Libellule …
Maintenant, la vallée est silencieuse. On n’entend même pas le croassement des batraciens tout en bas au bord du lac, entre les roseaux, dont le tintamarre lancinant remplit parfois le soir, lorsqu’on est au bord de l’eau.